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Livres

 

“Conte d’hiver, Conte d’été” photographies de Catherine Henriette

aux éditions Filigranes

 

www.filigranes.com/livre/conte-dhiver-conte-dete/
www.sitdown.fr

 

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légendes de gauche à droite

1/ Couvertures de Conte d’hiver, Conte d’été de Catherine Henriette aux Editions Filigranes, 2016.
2/ Portrait de Catherine Henriette.

 


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Interview de Catherine Henriette,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 16 mars 2017, durée 10'15". © FranceFineArt.

 



L’exposition “Conte d’hiver, Conte d’été” est présentée du 1er au 31 mars 2017 à la galerie Sit Down [sur rendez-vous uniquement +33 (0)1 42 78 08 07]

Pour ce travail, Catherine Henriette s’est rendue dans une province du Nord-Est de la Chine et capte le quotidien des habitants au gré des saisons.

Une première série, aux allures de grand Nord nous transporte à Harbin, sur les bords gelés du fleuve Sungari. De ces lignes d’horizon blanches figées dans le temps, son fidèle Leica à la main, la photographe nous rapporte une série d’images intitulée “Conte d’hiver“.

Conte d’été nous mène quant à lui sur des plages, toujours dans le Nord-Est de la Chine à Qingdao, Beidaihe, Yantai et Dalian. La ligne d’horizon confondue entre ciel et mer se perd sur les photographies de ces stations balnéaires des années soixante.

Catherine Henriette s’inspire avec ce travail des peintures traditionnelles chinoises ; ‘’de minuscules personnages se promènent au milieu de paysages grandioses de montagnes, d’eaux, où l’espace est aussi important que la matière, où le vide est aussi important que le plein’’.



‘’Voilà près de 30 ans que j'observe la Chine, son évolution économique, culturelle et sociale. Voilà près de 30 ans que le pouls de ce pays s'est emballé. Les choses vont vite. Trop vite. Les paysages et les villes se transforment, s'aliènent, s’enlaidissent. Tout y est sacrifié sur l'autel du développement et du profit. À tout prix. Témoin direct de cette frénésie, j'ai eu envie d’arrêter le temps, de reprendre mon Leica et mes pellicules, comme on prendrait un chevalet. J'ai voulu me poser et jouer avec les lignes d’horizon, les personnages, avec pour fond, la Chine moderne photographiée comme un mirage en mutation. L'attente patiente des lignes pures, des esquisses, la constance ténue du filigrane, comme un conte à mi-chemin entre la réalité et mon imaginaire.

Pour le conte d‘hiver, j’ai choisi le fleuve Sungari (au nord-est de la Chine), immense page blanche, toile de fond sur laquelle j'ai tenté d'imprimer la vie du grand nord chinois. Pour cela, je me suis levée avant l’aube pour la lumière bleutée, pour tous ces lève-tôt qui s’étirent, dansent, nagent, chantent et hurlent comme si tout semblait permis avant le lever du jour. J’ai attendu dans un froid sibérien le départ des écoliers et des ouvriers pour leur journée de travail, passant d’une rive à l’autre, en vélo, à pied, en tuk-tuk, par tous les temps mais l’esprit et le corps toujours un peu embrumés de fatigues rémanentes. J’ai suivi à la trace les pêcheurs qui, tels des troubadours, se baladent le filet sur l’épaule sillonnant le fleuve, de trou de glace en trou de glace. J’ai discuté avec de vieux papis qui, les jours de grand vent sortent leurs cerfs-volants faits main, immenses dragons tenus en laisse par des enfants retraités. J’ai amadoué le froid pour ne pas renoncer. Je me suis certes épuisée sur ce fleuve, en proie à des doutes furieux, aussi ardents que glacés, mais à chaque fois revigorée de gratitude par la beauté des paysages.

Pour le conte d’été, je suis retournée sur les plages du nord de la Chine où, alors étudiante à Pékin, je m’évadais les jours de canicule. Ces plages kitsch et désuètes qui se cherchent toujours une identité, entre station balnéaire et simple ville côtière, vibrent encore de leur flou iodé et parfois sépia : Qingdao, Beidaihe, Nandaihe, Dalian. Curieusement, après tout ce temps, dans ce contexte général de révolutions, ces mutations, de métamorphoses, ces ambiances de plage n’ont que peu changé. Toujours peuplées des mêmes gens simples, venus de l’intérieur du pays, des plaines de loess ou des montagnes lointaines, venus voir la mer, après des voyages parfois interminables, ils sont les mêmes, avec leur intarissable naïveté et leurs yeux d'enfants étonnés. C'est l'éternelle l'ambiance bon-enfant, familles au grand complet sur trois générations, qui dès 5 heures du matin, envahissent les plages, armés de bouées multicolores au diapason des tenues de bains improbables. Au programme, les sempiternels passe-temps : jeux de ballon, jeux de carte, pique-niques, siestes, trempettes (avec bouée), re-siestes et re-jeux, avec l'espoir tenace cheville au corps de tenir jusqu’à la nuit pour boire jusqu'à plus soif chaque heure de vacances tant espérée.

A Qingdao où un parc d’attraction figé dans les années 60, n'en finit pas de sombrer, envahi par le sable et rouillé par les embruns. Reliquat des temps heureux, décor fantomatique d'un monde finissant, échoué sur une plage sauvage où quelques familles venues s’aventurer hors des circuits touristiques, pique-niquent joyeux, par jour de grand vent, puis s'en vont repus, abandonnant insouciants et allégés du fardeau de leurs pastèques, métamorphosées en innombrables petits croissants de lune. A Dalian pour revoir ses plages, vestiges des villégiatures maoïstes où surnagent encore l’ombre des cadres engloutis par l’histoire dont aucun, dans ses rêves les plus fous n’aurait pu imaginer les dégâts que ferait la modernité sur ce littoral paisible alors tout entier livré à lui-même. Peut-être auraient-ils été fiers de tous ces ponts, de ces forets de grues, de ces tours, qui s’élèvent aujourd’hui avec le même optimisme conquérant que sur les affiches de propagande soviétiques de l’époque, mirage de la modernité en flagrant-délit de réalisation’’.

Catherine Henriette
Préface du livre Conte d’hiver, Conte d’été Editions Filigranes, 2016


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3/ Catherine Henriette, Série Conte d’hiver. Le Bateau rouge, 2012, 2013. © Catherine Henriette courtesy galerie Sit Down.
4/ Catherine Henriette, Série Conte d’hiver. Le cerf-volant, 2012, 2013. © Catherine Henriette courtesy galerie Sit Down.
5/ Catherine Henriette, Série Conte d’été. La déesse de la mer, 2014. © Catherine Henriette courtesy galerie Sit Down.