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“la chronique des lecteurs” par Jean Barthou de Pires
Enquête à l’occasion d'un voyage en Grande Caragne du sud, 
Bruxelles, février 2015

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Visite d’un centre de réception des dénonciations relevant du Ministère du Contrôle.


La Grande Caragne du sud, pays placé sous la direction du Parti de la Démocratie Participative depuis 1937.

B. Capitale de Grande Caragne du sud.
Bureau d’un centre chargé de recevoir des lettres et des appels téléphoniques dénonçant des délits, nouvellement établis par le ministère du Contrôle. Le téléphone sonne, une voix claire se fait entendre : « Allô, je suis bien dans le ministère du Contrôle ? Je m’appelle X. de la ville de B. J’ai une révélation à vous faire… ». Deux employés se tiennent prêts, l’un à écouter l’interlocuteur, l’autre à prendre note de la conversation. 

Dans la ruelle de Q. ouverte sur le boulevard D. de B. on vient d’accrocher un panneau portant l’inscription « Station de dénonciation relevant du Gouvernement Populaire de l’arrondissement Est ». En entrant dans le bureau, on a l’impression d’assister à une causerie. Un visiteur, entre deux âges, parle avec ferveur ; deux préposés à la réception l’écoutent attentivement, tout en prenant des notes ; ils l’interrompent de temps à temps pour lui poser des questions. Près de la porte, d’autres attendent leur tour, assis sur une rangée de chaises posées contre le mur. Pendant une heure, deux visiteurs ont été reçus. D’abord un homme parle d’une affaire très compliquée qui implique beaucoup de monde. Il est invité à rédiger un compte-rendu détaillé qui sera transmis, selon la nature de la révélation, au Bureau des Sanctions Immédiates du Ministère du Contrôle. Ensuite une vieille vendeuse de glaces accuse un directeur du Service du Contrôle des Opinions de l’arrondissement Est, d’avoir proféré des accusations de népotisme à l’encontre d’un directeur du Service fiscal de l’arrondissement Ouest. Son fils, diplômé en mécanique générale aurait été nommé Responsable Payeur Principal de la Trésorerie du Comité des Fêtes de l’arrondissement... On prend note de sa déposition. Elle se retire satisfaite. Une enquête est ouverte sur le champ.

Un responsable du centre de dénonciation relevant du Ministère du Contrôle, Monsieur S J, Chef de bureau, me révèle que depuis l’ouverture de ce centre, des centaines de dénonciations faites par téléphone arrivent, sans interruption, chaque semaine. Maintenant, le centre de dénonciation dont il a la responsabilité, enquête sur 773 actes illicites graves. Les résultats seront rendus publics à l’occasion de la conférence de presse hebdomadaire du Ministre du Contrôle. 

Pour garantir l’intégrité des employés de l’Etat, des « Centres de dénonciations des Affaires Internes » sont prêts à recevoir toute accusation lancée contre des fonctionnaires coupables de corruption, de subordination, d’extorsion ou de propos délictueux tombant sous le coup  de la loi du 9 juillet 1937, réprimant le négationnisme contre-révolutionnaire.

Tout fonctionnaire, au même titre que tout citoyen, peut dénoncer, à n’importe quel centre de dénonciation, des infractions commises par des cadres de l’Etat, et cela par téléphone, par écrit, oralement ou par tout autre moyen de son choix. 

Le centre de dénonciation relevant du Ministère du Contrôle reçoit essentiellement les plaintes des fonctionnaires des ministères du Conseil des Affaires d’Etat, des principaux responsables de provinces et des directeurs d’institutions relevant directement du comité central du Parti, nommés par l’organe administratif d’Etat. Quant aux plaintes contre des cadres locaux ou des cadres subalternes, elles doivent être adressées au Centre de dénonciation de la province ou de la ville. L’organe administratif du contrôle d’Etat possède, en plus du pouvoir de contrôle et de proposition, le pouvoir d’infliger des sanctions administratives dans les limites déterminées par le Bureau des Sanctions Immédiates du ministère du Contrôle.


Comment le centre de dénonciation procède-t-il après avoir reçu des plaintes ?

D’après Monsieur S J, il trie d’abord les dossiers puis il confie les affaires qui ne rentrent pas dans la compétence du Ministère du Contrôle aux unités concernées. Par exemple, les affaires d’infraction à la discipline du Parti sont transmises à la Commission du contrôle de la discipline du Parti, et les affaires de violation à la loi au Parquet populaire des arrondissements. 


Le dossier d’une dénonciation pourrait-il retomber entre les mains de l’individu visé, et attirer sur le dénonciateur des représailles ? 

Monsieur S J a répondu en riant : « Il arrive que nous transmettions des dossiers à des échelons inférieurs, mais nous gardons toujours secret le nom du dénonciateur et protégeons ainsi ses intérêts légitimes. La règle malgré tout est l’anonymat ». 

Il ajoute « Pour les affaires transmises au bureau de contrôle de la province, le Ministère du Contrôle tient à être informé des résultats du règlement. S’il les trouve incorrects, il peut exercer un droit de veto. ».

Le comportement du personnel des centres de dénonciations préoccupe beaucoup les usagers du service public. Actuellement, la majorité du personnel est choisie dans des organes gouvernementaux, beaucoup venant du bureau chargé de recevoir les lettres adressées par la population au Conseil des Affaires d’Etat. On compte également parmi le personnel un petit nombre de nouveaux diplômés d’écoles supérieures en recherche d’emploi. Ils ont tous reçu une formation stricte, ils doivent être professionnellement compétents, fidèles aux principes et inflexibles dans la lutte contre les actes illicites. Ils doivent être dévoués, mobilisables et célibataires.


Parmi les accusés, y a t il des fonctionnaires haut placés, des membres du Parti et jusqu'à quel rang de la Hiérarchie ? 

Monsieur S J s’est contenté de répondre : « Cela n’est pas concevable, ceux qui éclairent et guident le peuple ne peuvent faire l’objet de poursuites de quelque nature que ce soit. ».


Que devient le citoyen coupable, qui tombe sous le coup de la loi ?

« Selon la nature et la gravité des actes les peines peuvent aller d’une simple amende à la confiscation du patrimoine du coupable, et s’accompagnent à ce moment-là de la déchéance de la citoyenneté, et de la perte de son nom de famille au profit d’un matricule. Il devient alors un Citoyen Sans Nom N°…
Si ce dernier manifeste par ses actions et ses propos une réelle volonté de revenir dans le Cercle Citoyen, alors le Bureau des Sanctions Immédiates peut décider que son nom de famille lui soit de nouveau attribué. Il devra toutefois, sous contrôle du Bureau de la Répression de la Délinquance, suivre une formation de récupération de « Points Citoyens » qui lui permettront de retrouver sa place dans la communauté. »  

Actuellement, dans chaque district des villes et dans toutes les provinces (Régions Administratives en Autonomies Partielles) du pays ont été instaurés des organes du contrôle favorisant les démarches de dénonciation. C’est pour faire avancer la Réforme Economique du Renouveau, et pour réprimer les actions illicites de contestation des lois et des règles du Vivre Ensemble Obligatoire, que des centres de dénonciation ont été mis en place par le Ministère du Contrôle. 

Une des tâches des centres de dénonciation consiste donc à éveiller la conscience de chaque usager dans ces domaines afin que le contrôle populaire devienne une pratique sociale et citoyenne responsable.

 
J. Barthou de Pires, Bruxelles, février 2015