contact rubrique Billets & Chroniques : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“le billet d'humeur de Myriam Boccara”
Mister Brainwash à Beaubourg

Paris, le 8 mars 2015

 

A propos de l’exposition Jeff Koons :

Ce qui différencie l’exposition Jeff Koons d’autres expos du moment c’est qu’elle est bruyante.
Le public est celui d’un parc d’attractions. Il pose devant les sculptures comme au pied du Sacré Chœur.
Le Profane ayant pris toute la place, le recueillement n’est pas de mise dans ce bric à brac où se côtoient publicités, électroménager, ballons, gonflables ; Titi, Rabbit, Batman etc. Louis XIV, Hercule, le christ, Buster Keaton, Michael Jackson, la Cicciolina et j’en passe.

La collection Jeff koons fait son show à Beaubourg montée pour le grand public qui trouvera dans cet éclectisme la légèreté, l’amusant, le divertissant, le séduisant, le facile à comprendre dont l’art a tout de même besoin, Merde alors !

L’œuvre est celle d’un homme grandi en Pennsylvanie dont le père a tenu une boutique de décoration intérieure que l’on suppose achalandée de tout ce qui fait l’inspiration de l’artiste. Nous pataugeons dans une grande soupe « Campbell » sans goût où grand patrimoine et gadgets se mêlent et s’emmêlent sans distinction, le tout réalisé à la perfection dans un acier inoxydable poli miroir et vernis transparent. La matière est lisse sans aspérité, parfaite illusion du plastique gonflable.

Je ne comprends pas mon énervement.

Moi qui ai des goûts populaires, qui suis folle des poupées gonflables en plastoc made in china vendues à trois sous dans mon pays d’origine, qui adore les films d’amour, les romans photos, Voici et Paris Match, qui ne détesterais pas m’acheter un David dans une pompe à essence.

Mais, qu’est ce qui me met si mal à l’aise aujourd’hui à Beaubourg ?

Moi qui ai lu Jodelle et Barbarella, qui ai grandi avec Claes Oldenbourg, Yayoi Kusama, Andy Warhol je devrais retrouver mes petits quand même !
Est ce le comportement indélicat d’un public heureux de se retrouver en bande dans cet univers cartoon et forain, un brin pornographique qui lui est familier ?

Dois je me réjouir de ce que cette culture de masse dont Jeff Koons est l’indiscutable ambassadeur fasse enfin son entrée au musée ?
L’ex trader n’aurait il pas plutôt le rêve de faire le plus gros chiffre, d’atteindre la plus haute côte du monde et de battre tous les records de « visiomat ».

Cet amateur de Dali et Marcel Duchamp pour seules références, auteur de ready made, infaillible recycleur et reproducteur nous rend otages de son cynisme d’homme d’affaire, mettant à mal humour et poésie. L’humour, la poésie, l’émotion ayant disparu de ces lieux que nous reste-t-il sinon morgue et vulgarité coulées dans cette matière infiniment séduisante et lumineuse qu’est l’inox. 

Il se dégage de la réinterprétation des thèmes du cartoon, de la bande dessinée, du glamour, de ces joujoux et produits dérivés une certaine laideur. Dans cette soif de reproductibilité, il se produit une abâtardisation des formes reproduites, un glissement progressif vers la laideur 

C’est à M et Mme Pompidou que je pense aujourd’hui, à ce courage de porter l’art d’un temps, à ce plaisir de la modernité. Auraient ils aimé Koons comme ils ont aimé Buren, Adami, Pol Bury, John Cage, Jean Prouvé, Renzo Piano, Richard Rogers et tant d’autres ? C’est la question que je me pose ainsi que la timide impression de voir arriver l’affaissement du monde.

Regarder cet art c’est être dans le mépris de tout ce qui est, c’est nager ensemble dans l’immaturité de cette culture de l’Entertainment, c’est danser avec les majorettes en se moquant des majorettes et oublier à quel point nous avons adoré petits et dans la candeur de l’enfance le train fantôme et la barbe à papa.