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“la chronique de Marc Lazareff”
Photographie : modernité ou retour aux origines

Paris, le 19 juin 2014

 

Le procédé photographique semble arrivé à la perfection avec l'imagerie numérique: image propre, couleurs naturelles, résultat instantané. Plus de produits chimiques à manipuler, l'image apparaît directement et peut être manipulée sur l'ordinateur, la tablette ou le téléphone. Pour le correspondant de presse, la rédaction est au bout de son téléphone. Pour le photographe de mariages ou industriel, toute la production de la journée tient dans un petit étui.

La contrepartie est que l'image est devenue trop prévisible, trop réelle. Ce qui est bon pour le reportage ou même la science ne l'est pas forcément pour l'imaginaire. Alors pour redonner à l'image son aspect classique, on trouve des effets reproduisant plus ou moins l'aspect et le grain des films classiques, et toutes sortes d'artifices archaïsants. La conclusion du test d'un appareil fort cher, dédié au monochrome (ou "noir & blanc") est que l'image est trop parfaite pour toucher; cela va mieux avec des optiques anciennes et leurs défauts.

Cet hommage aux procédés "anciens" -- l'image argentique en est un, le plus récent des ancêtres -- ne doit pas faire oublier qu'ils sont toujours vivants. La variété des supports photographiques (films et papiers) commercialement accessibles est en diminution, ainsi que celle des produits de traitement. Même la préparation de ces produits à partir de leurs composants était devenue difficile, tout produit chimique étant maintenant considéré comme un risque.

On pourrait donc croire la question réglée: de moins en moins de supports photographiques, de laboratoires de traitement, de produits accessibles, procédé enterré, terminé. Ironiquement, c'est le progrès technique qui vient à la rescousse: grâce à Internet, il est maintenant possible de trouver aisément aussi bien le matériel que les renseignements techniques nécessaires à la survie du procédé argentique (au moins en monochrome) et de ses prédécesseurs.

Un nouveau procédé de développement a même été mis au point, dans lequel le révélateur se fabrique sur un coin de cuisine, avec des cristaux de soude, de la vitamine C et ... du café. Un procédé qui peut paraître baroque, mais qui fonctionne fort bien, se prête à toutes sortes de variations inventives, et ne fait intervenir aucun produit toxique ou irritant: le Caffenol ! Une invention, à l'origine, de l'université de Rochester, voisine des laboratoires Kodak, qui avaient vu naître (et méprisé) l'invention de l'imagerie numérique.